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échangé avec moi quelques paroles, je suis Alioscha, ton fiancé. Te souviens-tu que les vieillards nous ont fiancés quand nous étions encore enfants ? M’as-tu oublié ? Rappelle-toi, je suis de ton pays…

— Et que dit-on de moi dans notre pays ?

Alioscha sourit.

— On raconte que tu te conduis mal, me répondit-il, que tu as oublié ta vertu de jeune fille et que tu vis avec un brigand, un preneur d’âmes.

— Et toi, que dis-tu de moi ?

Il tressaillit.

— Je ne disais rien de bon, je ne disais rien de bon… Mais je me tais depuis que je te vois. Ah ! Tu m’as perdu ! Achète-moi donc, toi aussi, mon âme, prends-la, prends mon cœur, belle fille, joue-toi de mon amour. Je suis orphelin, maintenant, je suis mon maître, mon âme n’appartient qu’à moi. Je n’ai pas fait comme une certaine fille qui a tué en elle le souvenir, je n’ai pas vendu mon âme. Et que disais-je : Achète-la ! Elle n’est pas à vendre, je la donne pour rien : c’est par-dessus le marché !

Je me mis à rire, et ce n’est pas une seule fois