Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

dant trois verstes, parce que c’est la mode, — et le mari gagne au ministère cinq cents roubles par an. Voilà l’origine des pots de vin ! Moi, je crache toujours sur leur passage et je les injurie.

(Bien que je charge peut-être un peu, — au fond, ces idées sont encore les miennes.)

— Et il ne t’en a pas cuit ? demanda le prince.

— Je crache et je m’en vais. Sans doute elles s’en aperçoivent, mais elles font comme si elles n’avaient rien vu : elles marchent, majestueuses et sans dé­tourner la tète. Et, pour ce qui est de les injurier, je ne les ai injuriées sérieusement qu’une fois. Oui, deux dames qui promenaient avec emphase leurs queues sur le boulevard. Oh ! je ne leur ai pas dit de gros mots. Mais j’ai fait, à voix haute, cette remar­que, qu’une queue est dégoûtante.

— Tu as dit cela?

— Oui. Primo, elles se moquent des gens et, deuxièmement, elles font de la poussière. Or, le bou­levard est à l’usage de tout le monde : j’y passe ; ce­lui-ci, celui-là, Fédor, Ivan, y passent comme moi, et tous nous sommes égaux. Voilà, — j’ai exprimé cela. En général, voir une femme par derrière m’est insupportable : je n’aime pas ces allures. J’ai ex­primé cela aussi, mais par allusion.

— Mon ami, mais tu t’attirerais des histoires très ennuyeuses. Tu pouvais fort bien te faire appeler en justice.

— Rien du tout ! De quoi se seraient-elles plaintes ? Un homme marche à côté d’elles et monologue ; tout homme, je pense, a le droit de dire son opinion auvent qui passe. J’ai philosophé... Je ne m’adres­sais pas à elles. C’est elles qui ont engagé les hosti­lités. Elles se mirent à m’invectiver, et de quel