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marquer et absolument comme si vous étiez obligé de vous écarter et de lui faire place ; je serais prêt à la lui céder, en sa qualité de créature plus faible, mais où diable est le droit dont elle paraît s’autori­ser ? Où prend-elle que ce soit moi qui doive, et de toute nécessité, céder le pas ? Les femmes, quand j’en rencontre, je crache. Et de quelles sornettes vient-on nous rebattre les oreilles ! Elles sont dans une situa­tion humiliante... On demande pour elles l’égalité... Quelle égalité ? — alors qu’elles me foulent aux pieds ou me fourrent du sable dans la bouche!

— Du sable! Quel sable?

— Elles s’accoutrent d’une façon inconvenante, — il n’y a que les dépravés pour ne pas s’en aperce­voir... Au tribunal, quand il y a une affaire de mœurs, on la juge à huis clos. Alors, pour­quoi tolère-t-on en pleine rue des exhibitions qu’on soustrait aux yeux et aux oreilles du public restreint d’une salle d’audience ? Elles s’affublent de falbalas pour attirer l’attention et pour qu’on s’écrie : La belle personne ! Cela, je ne peux pas ne pas le remarquer ; un adolescent le remarquera ; un enfant le remarquera aussi : c’est une lâche provoca­tion. Que ces manières réjouissent de vieux pail­lards, et qu’ils courent après les jupes en tirant la langue, soit ! Mais la jeunesse, la jeunesse, il faut la garder pure... Vous voyez bien qu’il ne me reste plus qu’à cracher... Elles marchent sur le boulevard en remorquant une queue d’un mètre et demi qui fait une poussière horrible. Et si le promeneur ne file pas, grand train, devant elles, ou ne fait pas un bond de côté, il est sûr d’avaler par le nez et par la bouche cinq livres de sable. Et puis leur queue est en soie. Elles traînent de la soie sur les pavés pen­-