mois de leur mariage, procréaient des filles, abondamment, et celles-ci s’ingéniaient à s’installer, elles aussi, sous son toit : il baptisait de toutes parts, recevait, le jour de sa fête, des souhaits en foule. A quoi il se délectait.
Entré à son service, je remarquai vite, — et cela ne pouvait pas ne pas se remarquer, — qu’une conviction était ancrée en lui, à savoir que tout le monde le regardait d’un air singulier, qu’on ne se comportait pas avec lui comme au temps de sa pleine santé : et cela jetait une ombre sur tous ses plaisirs mondains. Il interrogeait soupçonneusement les regards. Le croyait-on fou ? Moi-même il m’observait parfois, d’un œil méfiant. Certes, s’il savait que quelqu’un répandît le bruit de son déséquilibre, lui, pacifique entre tous, se découvrirait pour le médisant des trésors de haine. Je m’évertuai à ne rien faire qui offusquât sa susceptibilité légitime ; et j’étais content quand il m’arrivait de l’égayer. Je veux croire que cet aveu n’entache pas ma dignité.
La majeure partie de sa fortune était engagée dans les affaires. Récemment encore, il était entré comme associé dans une très solide compagnie anonyme. Bien que l’administration incombât à ses co-participants, il s’y intéressait fort, assistait aux réunions des actionnaires, siégeait dans les conseils, prononçait de longs discours, faisait des objections, du bruit, et y prenait plaisir. Prononcer des discours lui était une joie : à la faveur de ces manifestations, on pouvait vérifier l’aloi de son esprit. Et, même dans l’intimité, il aimait rehausser sa conversation d’une idée ostensiblement judicieuse ou d’un bon mot. Je comprends cela.
Au rez-de-chaussée de son hôtel était aménagée une