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Dites-moi, quelle sympathie peuvent-ils avoir pour vous ? La vie est dure ici, mais ce n’est rien en comparaison des compagnies de discipline en Russie. On y souffre l’enfer. Ceux qui en viennent vantent même notre maison de force ; c’est un paradis en comparaison de ce purgatoire. Ce n’est pas que le travail soit plus pénible. On dit qu’avec les forçats de la première catégorie, l’administration, — elle n’est pas exclusivement militaire comme ici, — agit tout autrement qu’avec nous. Ils ont leur petite maison (on me l’a raconté, je ne l’ai pas vu) ; ils ne portent pas d’uniforme, on ne leur rase pas la tête ; du reste, à mon avis, l’uniforme et les têtes rasées ne sont pas de mauvaises choses ; c’est plus ordonné, et puis c’est plus agréable à l’œil ! Seulement, ils n’aiment pas ça, eux. Et regardez-moi quelle Babel ! des enfants de troupe, des Tcherkesses, des vieux croyants, des orthodoxes, des paysans qui ont quitté femme et enfants, des Juifs, des Tsiganes, enfin des gens venus de Dieu sait où ! Et tout ce monde doit faire bon ménage, vivre côte à côte, manger à la même écuelle, dormir sur les mêmes planches. Pas un instant de liberté : on ne peut se régaler qu’à la dérobée, il faut cacher son argent dans ses bottes… et puis, toujours la maison de force et la maison de force !… Involontairement, des bêtises vous viennent en tête.

Je savais déjà tout cela. J’étais surtout curieux de questionner Akim Akimytch sur le compte de notre major. Il ne me cacha rien, et l’impression que me laissa son récit fut loin d’être agréable.

Je devais vivre pendant deux ans sous l’autorité de cet officier. Tout ce que me raconta sur lui Akim Akimytch n’était que la stricte vérité. C’était un homme méchant et désordonné, terrible surtout parce qu’il avait un pouvoir presque absolu sur deux cents êtres humains. Il regardait les détenus comme ses ennemis personnels, première faute très-grave. Ses rares capacités, et peut-être même ses bonnes qualités, étaient perverties par son intempérance