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croire à la possibilité de changer leur sort, « Eh bien ! ils se sont enfuis tout de même ! Pourquoi donc nous, ne… » Et chacun, à cette pensée, se redressait et regardait ses camarades d’un air provocateur. Tous les forçats prirent un air hautain et dévisagèrent les sous-officiers du haut de leur grandeur. Comme on peut penser, nos chefs accoururent. Le commandant lui-même arriva. Les nôtres regardaient tout le monde avec hardiesse, avec une nuance de mépris et de gravité sévère : « Hein ? nous savons nous tirer d’affaire, quand nous le voulons ? » Tout le monde s’attendait à une visite générale des chefs ; on savait d’avance qu’on procéderait à une enquête et qu’on ferait des perquisitions ; aussi avait-on tout caché, car on n’ignorait pas que notre administration avait de l’esprit après coup. Ces prévisions furent justifiées : il y eut un grand remue-ménage ; on mit tout sens dessus dessous, on fouilla partout — et comme de juste, on ne trouva rien.

Quand vint l’heure des travaux de l’après-dînée, on nous y conduisit sous double escorte. Le soir, les officiers et sous-officiers de garde venaient à chaque instant nous surprendre : on nous compta une fois de plus qu’à l’ordinaire ; on se trompa aussi deux fois de plus qu’à l’ordinaire, ce qui causa un nouveau désordre ; on nous chassa dans la cour, pour nous recompter de nouveau. Puis, une fois encore, on nous vérifia dans les casernes.

Les forçats ne s’inquiétaient guère de ce remue-ménage. Ils se donnaient des airs indépendants, et comme toujours en pareil cas, ils se conduisirent très-convenablement toute la soirée. « On ne pourra pas nous chercher chicane du moins. » L’administration se demandait s’il n’y avait pas parmi nous des complices des évadés, elle ordonna de nous surveiller et d’espionner nos conversations, mais sans résultat. — « Pas si bête que de laisser derrière soi des complices ! » — « On cache son jeu quand on tente un pareil coup ! » — « Koulikof et A—f sont des gaillards assez rusés