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Dieu me pardonne ! sourit aussi, bien qu’au commandement de « fais l’officieux » la verge siffle et vienne couper comme un rasoir son échine coupable. Smékalof est très-heureux, parce que c’est lui qui a inventé cette bonne farce, c’est lui qui a trouvé ces deux mots « cieux » et « officieux », qui riment parfaitement. Il s’en va satisfait, comme le fustigé lui-même, qui est aussi très-content de soi et du lieutenant, et qui va raconter au bout d’une demi-heure à toute la maison de force, pour la trente et unième fois, la farce de Smékalof. « En un mot, un petit cœur ! un vrai farceur ! ». On entendait souvent chanter avec attendrissement les louanges du bon lieutenant.

— Quelquefois, quand on s’en allait au travail, — raconte un forçat dont le visage resplendit au souvenir de ce brave homme, — on le voyait à sa fenêtre en robe de chambre, en train de boire le thé, la pipe à la bouche. J’ôte mon chapeau. — Où vas-tu, Axénof ?

— Au travail, Mikail Vassilitch, mais je dois aller avant à l’atelier. — Il riait comme un bienheureux. Un vrai petit cœur ! oui, un petit cœur.

— On ne les garde jamais bien longtemps, ceux-là ! ajoute un des auditeurs.



III


L’HÔPITAL (Suite) [1].


J’ai parlé ici des punitions et de ceux qui les administraient, parce que j’eus une première idée bien nette de ces choses-là pendant mon séjour à l’hôpital. Jusqu’alors, je ne les connaissais

  1. Tout ce que je raconte des punitions corporelles existait de mon temps. Maintenant, à ce que j’ai entendu dire, tout est changé en change encore. (Note de Dostoïevski.)