Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée
J’ai versé la soupe aux choux,
J’ai gratté les poteaux de porte,
J’ai cuit des pâtés.

Ce que l’on chantait surtout, c’étaient les chansons dites « de forçats ». L’une d’elles, « Il arrivait… », tout humoristique, raconte comment un homme s’amusait et vivait en seigneur, et comme il avait été envoyé à la maison de force. Il épiçait son « bla-manger de Chinpagne », tandis que maintenant

On me donne des choux à l’eau
Que je dévore à me fendre les oreilles.

La chanson suivante, trop connue, était aussi à la mode :

Auparavant je vivais,
Gamin encore, je m’amusais
Et j’avais mon capital…
Mon capital, gamin encore, je l’ai perdu
Et j’en suis venu à vivre dans la captivité…

et cætera. Seulement on ne disait pas capital chez nous, mais copital, que l’on faisait dériver du verbe copit (amasser). Il y en avait aussi de mélancoliques. L’une d’elles, assez connue, je crois, était une vraie chanson de forçats :

La lumière céleste resplendit,
Le tambour bat la diane,
L’ancien ouvre la porte,
Le greffier vient nous appeler.
On ne nous voit pas derrière les murailles
Ni comme nous vivons ici.
Dieu, le Créateur céleste, est avec nous,
Nous ne périrons pas ici… etc.

Une autre chanson encore plus mélancolique, mais dont la mélodie était superbe, se chantait sur des paroles fades et assez incorrectes. Je me rappelle quelques vers :

Mon regard ne verra plus le pays
Où je suis né ;
À souffrir des tourments immérités