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rsuivit Pierre Stépanovitch. — Et, remarquez, c’est exprès que je m’adresse à vous.

— Je ne dénoncerais pas.

— Mais si vous saviez qu’un autre, un simple mortel, fût sur le point d’être volé et assassiné par un malfaiteur, vous préviendriez la police, vous dénonceriez ?

— Sans doute, parce qu’ici ce serait un crime de droit commun, tandis que dans l’autre cas, il s’agirait d’une dénonciation politique. Je n’ai jamais été employé dans la police secrète.

— Et personne ici ne l’a jamais été, déclarèrent nombre de voix. — Inutile de questionner, tous répondront de même. Il n’y a pas ici de délateurs !

— Pourquoi ce monsieur se lève-t-il ? cria l’étudiante.

— C’est Chatoff. Pourquoi vous êtes-vous levé, Chatoff ? demanda madame Virguinsky.

Chatoff s’était levé en effet, il tenait sa chapka à la main et regardait Verkhovensky. On aurait dit qu’il voulait lui parler, mais qu’il hésitait. Son visage était pâle et irrité. Il se contint toutefois, et, sans proférer un mot, se dirigea vers la porte.

— Cela ne sera pas avantageux pour vous, Chatoff ! lui cria Pierre Stépanovitch.

Chatoff s’arrêta un instant sur le seuil :

— En revanche, un lâche et un espion comme toi en fera son profit ! vociféra-t-il en réponse à cette menace obscure, après quoi il sortit.

Ce furent de nouveaux cris et des exclamations.

— L’épreuve est faite !

— Elle n’était pas inutile !

— N’est-elle pas venue trop tard ?

— Qui est-ce qui l’a invité ? — Qui est-ce qui l’a laissé entrer ? — Qui est-il ? — Qu’est-ce que ce Chatoff ? — Dénoncera-t-il ou ne dénoncera-t-il pas ?

On n’entendait que des questions de ce genre.

— S’il était un dénonciateur, il aurait caché son