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— J’avoue que je suis plutôt partisan d’une solution humaine, déclara le major, — mais comme l’unanimité est acquise à l’opinion contraire, je me range à l’avis de tous.

Pierre Stépanovitch s’adressa au boiteux :

— Alors, vous non plus, vous ne faites pas d’opposition ?

— Ce n’est pas que je… balbutia en rougissant l’interpellé, — mais si j’adhère maintenant à l’opinion qui a rallié tous les suffrages, c’est uniquement pour ne pas rompre…

— Voilà comme vous êtes tous ! Des gens qui discuteraient volontiers six mois durant pour faire de l’éloquence libérale, et qui, en fin de compte, votent avec tout le monde ! Messieurs, réfléchissez pourtant, est-il vrai que vous soyez tous prêts ?

(Prêts à quoi ? la question était vague, mais terriblement captieuse.)

— Sans doute, tous…

Du reste, tout en répondant de la sorte, les assistants ne laissaient pas de se regarder les uns les autres.

— Mais peut-être qu’après vous m’en voudrez d’avoir obtenu si vite votre consentement ? C’est presque toujours ainsi que les choses se passent avec vous.

L’assemblée était fort émue, et des courants divers commençaient à s’y dessiner. Le boiteux livra un nouvel assaut à Verkhovensky.

— Permettez-moi, cependant, de vous faire observer que les réponses à de semblables questions sont conditionnelles. En admettant même que nous ayons donné notre adhésion, remarquez pourtant qu’une question posée d’une façon si étrange…

— Comment, d’une façon étrange ?

— Oui, ce n’est pas ainsi qu’on pose de pareilles questions.

— Alors, apprenez-moi, s’il vous plaît, comment on les pose. Mais, vous savez, j’étais sûr que vous vous rebifferiez en premier.

— Vous avez tiré de nous une réponse attestant que nous sommes prêts à une action immédiate. Mais, pou