emandé ; si donc vous l’avez fait, monsieur l’officier impoli, c’est que cela vous plaisait. Et permettez-moi de vous faire observer que vous ne devez pas me tutoyer, si ce n’est par civisme ; autrement je vous le défends une fois pour toutes.
Le major frappa du poing sur la table.
— Voilà comme elles sont toutes ! dit-il à Stavroguine assis en face de lui. — Non, permettez, j’aime le libéralisme et les idées modernes, je goûte fort les propos intelligents, mais, entendons- nous, ils ne me plaisent que dans la bouche des hommes, et le libéralisme en jupons fait mon supplice ! Ne te tortille donc pas ainsi ! cria-t-il à la jeune fille qui se démenait sur sa chaise. - — Non, je demande aussi la parole, je suis offensé.
— Vous ne faites que gêner les autres, et vous-même vous ne savez rien dire, bougonna la maîtresse de la maison.
— Si, je vais m’expliquer, reprit en s’échauffant le major. — Je m’adresse à vous, monsieur Stavroguine, parce que vous venez d’arriver, quoique je n’aie pas l’honneur de vous connaître. Sans les hommes, elles ne peuvent rien, — voilà mon opinion. Toute leur question des femmes n’est qu’un emprunt qu’elles nous ont fait ; je vous l’assure, c’est nous autres qui la leur avons inventée et qui nous sommes bêtement mis cette pierre au cou. Si je remercie Dieu d’une chose, c’est d’être resté célibataire ! Pas le plus petit grain d’originalité ; elles ne sont même pas capables de créer une façon de robe, il faut que les hommes inventent des patrons pour elles ! Tenez, celle-ci, je l’ai portée dans mes bras, j’ai dansé la mazurka avec elle quand elle avait dix ans ; aujourd’hui elle arrive de Pétersbourg, naturellement je cours l’embrasser, et quelle est la seconde parole qu’elle me dit ? « Dieu n’existe pas ! » Si encore ç’avait été la troisième ; mais non, c’est la seconde, la langue lui démangeait ! Allons, lui dis-je, j’admets que les hommes intelligents ne croient pas, cela peut tenir à leur intelligence ; mais toi, tête vide, qu’est-ce que tu comprends à la question de l’existence de Dieu ? Tu répètes ce qu’un étudiant t’a seriné ; s’il t’avait dit