action avaient constitué leur groupe, pleinement convaincus que celui-ci n’était qu’une unité parmi des centaines et des milliers d’autres quinquévirats semblables disséminés sur toute la surface de la Russie, et dépendant d’un mystérieux comité central en rapport lui-même avec la révolution européenne universelle. Malheureusement, je dois avouer que des froissements avaient déjà commencé à se manifester entre eux et Pierre Stépanovitch. Le fait est qu’ils l’avaient attendu depuis le printemps, sa prochaine arrivée leur ayant été annoncée d’abord par Tolkatchenko et ensuite par Chigaleff ; vu la haute opinion qu’ils se faisaient de lui, tous s’étaient docilement groupés à son premier appel ; mais à peine le quinquévirat venait-il d’être organisé, que la discorde éclatait dans son sein. Je suppose que ces messieurs regrettaient d’avoir donné si vite leur adhésion. Bien entendu, ils avaient cédé, dans cette circonstance, à un généreux sentiment de honte ; ils avaient craint qu’on ne les accusât plus tard d’avoir cané. Mais Pierre Stépanovitch aurait dû apprécier leur héroïsme et les en récompenser par quelque confidence importante. Or, loin de songer à satisfaire la légitime curiosité de ses associés, Verkhovensky les traitait en général avec une sévérité remarquable, et même avec mépris. C’était vexant, on en conviendra ; aussi le membre Chigaleff poussait ses collègues à « réclamer des comptes », pas maintenant, il est vrai, car il y avait en ce moment trop d’étrangers chez Virguinsky.
Si je ne me trompe, les quinquévirs déjà nommés soupçonnaient vaguement que parmi ces étrangers se trouvaient des membres d’autres groupes inconnus d’eux et secrètement organisés dans la ville par le même Verkhovensky ; aussi tous les visiteurs s’observaient-ils les uns les autres d’un air défiant, ce qui donnait à la réunion une physionomie fort énigmatique et jusqu’à un certain point romanesque. Du reste, il y avait aussi là des gens à l’abri de tout soupçon, par exemple, un major, proche parent de Virguinsky ; cet