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Voilà ou à peu près ce que dut se dire Pierre Stépanovitch. Du reste, ils approchaient déjà de la maison de Virguinsky.

— Vous m’avez probablement fait passer auprès d’eux pour quelque membre arrivé de l’étranger, en rapport avec l’Internationale, pour un réviseur ? demanda tout à coup Stavroguine.

— Non, le réviseur, ce sera un autre ; vous, vous êtes un des membres qui ont fondé la société à l’étranger, et vous connaissez les secrets les plus importants — voilà votre rôle. Vous parlerez sans doute ?

— Où avez-vous pris cela ?

— Maintenant vous êtes tenu de parler.

Dans son étonnement, Nicolas Vsévolodovitch s’arrêta au milieu de la rue, non loin d’un réverbère. Pierre Stépanovitch soutint avec une tranquille assurance le regard de son compagnon. Celui-ci lança un jet de salive et se remit en marche.

— Et vous, est-ce que vous prendrez la parole ? demanda-t-il brusquement à Pierre Stépanovitch.

— Non, je vous écouterai.

— Que le diable vous emporte ! Au fait, vous me donnez une idée.

— Laquelle ? fit vivement Pierre Stépanovitch.

— Soit, je parlerai peut-être là, mais ensuite je vous flanquerai une rossée, et, vous savez, une rossée sérieuse.

— Dites-donc, tantôt j’ai répété à Karmazinoff le propos que vous avez tenu sur son compte, à savoir qu’il faudrait le fesser, non pas seulement pour la forme, mais vigoureusement, comme on fesse un moujik.

— Mais je n’ai jamais dit cela, ha, ha !

— N’importe. _Se non è vero…_

— Eh bien, merci, je vous suis très obligé.

— Savez-vous ce que dit Karmazinoff ? D’après lui, notre doctrine est, au fond, la négation de l’honneur, et affirmer franchement le droit au déshonneur, c’est le plus sûr moyen d’avoir les Russes pour soi.

— Paroles admirables !