f et… le plus fou ! Par contre, sous l’amour non moins sincère qu’elle ressent pour moi perce à chaque instant la haine la plus violente ! Je n’aurais jamais pu imaginer auparavant toutes ces… métamorphoses.
— Mais je m’étonne pourtant que vous veniez m’offrir la main d’Élisabeth Nikolaïevna ! En avez-vous le droit ? Vous y a-t-elle autorisé ?
Maurice Nikolaïévitch fronça le sourcil et pendant une minute baissa la tête.
— De votre part ce ne sont là que des mots, dit-il brusquement, - — des mots où éclate la rancune triomphante ; je suis sûr que vous savez lire entre les lignes, et se peut-il qu’il y ait place ici pour une vanité mesquine ? N’êtes-vous pas assez victorieux ? Faut- il donc que je mette les points sur les i ? Soit, je les mettrai, si vous tenez tant à m’humilier : j’agis sans droit, je ne suis aucunement autorisé ; Élisabeth Nikolaïevna ne sait rien, mais son fiancé a complètement perdu la raison, il mérite d’être enfermé dans une maison de fous, et, pour comble, lui-même vient vous le déclarer. Seul dans le monde entier vous pouvez la rendre heureuse, et moi je ne puis que faire son malheur. Vous la lutinez, vous la pourchassez, mais, — j’ignore pourquoi, — vous ne l’épousez pas. S’il s’agit d’une querelle d’amoureux née à l’étranger, et si, pour y mettre fin, mon sacrifice est nécessaire, — immolez-moi. Elle est trop malheureuse, et je ne puis supporter cela. Mes paroles ne sont ni une permission ni une injonction, par conséquent elles n’ont rien d’offensant pour votre amour-propre. Si vous voulez prendre ma place sous la couronne, vous n’avez nul besoin pour cela de mon consentement, et, sans doute, il était inutile que je vinsse étaler ma folie à vos yeux. D’autant plus qu’après ma démarche actuelle notre mariage est impossible. Si à présent je la conduisais à l’autel, je serais un misérable. L’acte que j’accomplis en vous la livrant, à vous peut- être son plus irréconciliable ennemi, est, à mon point de vue, une infamie dont certainement je ne supporterai pas le fardeau.