vue de s’assurer la protection de Stavroguine qu’il avait mis tous ses soins à le disculper : il espérait qu’à Pétersbourg Nicolas Vsévolodovitch lui obtiendrait une commutation de peine, et qu’il ne le laisserait pas partir pour la Sibérie sans lui donner de l’argent et des lettres de recommandation. On voit par là combien Liamchine s’exagérait l’importance de Stavroguine.)
Le même jour, naturellement, on arrêta Virguinsky et avec lui toutes les personnes de sa famille. (Arina Prokhorovna, sa sœur, sa tante et l’étudiante ont été mises en liberté depuis longtemps ; on dit même que Chigaleff ne tardera pas à être relâché, lui aussi, attendu qu’aucun des chefs d’accusation ne le vise ; du reste, ce n’est encore qu’un bruit.) Virguinsky fit immédiatement les aveux les plus complets ; il était au lit avec la fièvre lorsque la police pénétra dans son domicile, et on prétend qu’il la vit arriver avec une sorte de plaisir : « Cela me soulage le coeur », aurait-il dit. Dans les interrogatoires, il paraît qu’il répond franchement et non sans une certaine dignité. Il ne renonce à aucune de ses « lumineuses espérances », tout en maudissant le fatal « concours de circonstances », qui lui a fait déserter la voie du socialisme pour celle de la politique. L’enquête semble démontrer qu’il n’a pris au crime qu’une part fort restreinte, aussi peut-il s’attendre à une condamnation relativement légère. Voilà du moins ce qu’on assure chez nous.
Quant à Erkel, il est peu probable que le bénéfice des circonstances atténuantes lui soit accordé. Depuis son arrestation, il se renferme dans un mutisme absolu, ou ne parle que pour altérer la vérité. Jusqu’à présent on n’a pas pu obtenir de lui un seul mot de repentir. Et pourtant il inspire une certaine sympathie même aux magistrats les plus sévères ; sans parler de l’intérêt qu’éveillent sa jeunesse et son malheur, on sait qu’il n’a été que la victime d’un suborneur politique. Mais c’est surtout sa piété filiale, aujourd’hui connue, qui dispose les esprits en sa faveur. Sa mère est