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a-t-il beaucoup de sections ? il répondit qu’il y en avait une multitude innombrable, que leur réseau couvrait toute la Russie, et, quoiqu’il ne fournît aucune preuve à l’appui de son dire, je pense qu’il parlait en toute sincérité. Seulement il ne faisait que citer le programme de la société imprimé à l’étranger et le projet d’action ultérieure dont Pierre Stépanovitch avait rédigé le brouillon. Le passage de la déposition de Liamchine concernant « l’ébranlement des bases » était emprunté mot pour mot à cet écrit, quoique le Juif prétendit n’émettre que des considérations personnelles. Sans attendre qu’on l’interrogeât au sujet de Julie Mikhaïlovna, il déclara avec un empressement comique « qu’elle était innocente et qu’on s’était seulement joué d’elle ». Mais il est à noter qu’il ne négligea rien pour disculper Nicolas Vsévolodovitch de toute participation à la société secrète, de toute entente avec Pierre Stépanovitch. (Les mystérieuse et fort ridicules espérances que ce dernier avait fondées sur Stavroguine, Liamchine était bien loin de les soupçonner.) À l’en croire, Pierre Stépanovitch seul avait fait périr les Lébiadkine, dans le but machiavélique d’asseoir sa domination sur Nicolas Vsévolodovitch en le mêlant à un crime. Mais, au lieu de la reconnaissance sur laquelle il comptait, Pierre Stépanovitch n’avait provoqué que l’indignation et même le désespoir dans l’âme du « noble » Nicolas Vsévolodovitch. Toujours sans qu’on le questionnât, Liamchine laissa entendre, évidemment à dessein, que Stavroguine était probablement un oiseau de très haute volée, mais qu’il y avait là un secret ; « il a vécu chez nous, pour ainsi dire, incognito », observa le Juif, « et il est fort possible qu’il vienne encore de Pétersbourg ici (Liamchine était sûr que Stavroguine se trouvait à Pétersbourg), seulement ce sera dans de tout autres conditions et à la suite de personnages dont on entendra peut-être bientôt parler chez nous ». Il ajouta qu’il tenait ces renseignements de Pierre Stépanovitch, « l’ennemi secret de Nicolas Vsévolodovitch ».

(N.B. Deux mois après, Liamchine avoua que c’était en