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bonheur est pour l’homme un besoin bien moindre que celui de savoir, de croire à chaque instant qu’il y a quelque part un bonheur parfait et calme, pour tous et pour tout. Toute la loi de l’existence humaine consiste à toujours pouvoir s’incliner devant l’infiniment grand. Ôtez aux hommes la grandeur infinie, ils cesseront de vivre et mourront dans le désespoir. L’immense, l’infini est aussi nécessaire à l’homme que la petite planète sur laquelle il habite… Mes amis, tous, tous : vive la Grande Pensée ! L’immense, l’éternelle Pensée ! Tout homme, quel qu’il soit, a besoin de s’incliner devant elle. Quelque chose de grand est nécessaire même à l’homme le plus bête. Pétroucha… Oh ! que je voudrais les voir tous encore une fois ! Ils ne savent pas, ils ne savent pas qu’en eux aussi réside cette grande, cette éternelle Pensée !

Le docteur Zaltzfisch qui n’avait pas assisté à la cérémonie entra à l’improviste et fut épouvanté de trouver là tant de monde. Il mit aussitôt cette foule à la porte, insistant pour qu’on épargnât toute agitation au malade.

Stépan Trophimovitch expira trois jours après, mais la connaissance l’avait déjà complètement abandonné lorsqu’il mourut. Il s’éteignit doucement, comme une bougie consumée. Barbara Pétrovna fit célébrer un service funèbre à Oustiévo, puis elle ramena à Skvorechniki les restes de son pauvre ami. Le défunt repose maintenant dans le cimetière qui avoisine l’église ; une dalle de marbre a déjà été placée sur sa tombe ; au printemps prochain, on mettra une inscription et un grillage.

L’absence de Barbara Pétrovna dura huit jours. La générale revint ensuite à la ville, ramenant dans sa voiture Sophie Matvievna qui, sans doute, restera désormais chez elle. Détail à noter, dès que Stépan Trophimovitch eut perdu l’usage de ses sens, Barbara Pétrovna ordonna de nouveau à la colporteuse de quitter l’izba et demeura seule auprès du malade pour lui donner des soins. Mais sitôt qu’il eût rendu le dernier soupir, elle se hâta de rappeler Sophie Matvievna et lui proposa ou plutôt la somma de venir se fixer à Skvorechniki.