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— À présent, matouchka, raconte-moi tout en détail ; assieds-toi près de moi, c’est cela. Eh bien ?

— J’ai rencontré Stépan Trophimovitch…

— Un instant, tais-toi. Je t’avertis que si tu me mens ou si tu caches quelque chose, tu auras beau ensuite te réfugier dans les entrailles de la terre, tu n’échapperas pas à ma vengeance. Eh bien ?

— J’ai rencontré Stépan Trophimovitch… dès mon arrivée à Khatovo… déclara Sophie Matvievna presque suffoquée par l’émotion…

— Attends un peu, une minute, pourquoi te presses-tu ainsi ? D’abord, toi-même, quelle espèce d’oiseau es-tu ?

La colporteuse donna, du reste, aussi brièvement que possible, quelques renseignements sur sa vie passée, à partir de son séjour à Sébastopol. Barbara Pétrovna écouta en silence, se redressant sur sa chaise et tenant ses yeux fixés avec une expression sévère sur le visage de la jeune femme.

— Pourquoi es-tu si effrayée ? Pourquoi regardes-tu à terre ? J’aime les gens qui me regardent en face et qui disputent avec moi. Continue.

Sophie Matvievna fit le récit détaillé de la rencontre, parla des livres, raconta comme quoi Stépan Trophimovitch Stépan Trophimovitch avait offert de l’eau-de-vie à une paysanne…

— Bien, bien, approuva Barbara Pétrovna, — n’omets pas le moindre détail.

— Quand nous sommes arrivés ici, poursuivit la colporteuse, — il était déjà très malade et parlait toujours ; il m’a raconté toute sa vie depuis le commencement, cela a duré plusieurs heures.

— Raconte-moi ce qu’il t’a dit de sa vie.

Cette exigence mit Sophie Matvievna dans un grand embarras.

— Je ne saurais pas reproduire ce récit, fit-elle les larmes aux yeux, — je n’y ai presque rien compris.

— Tu mens ; il est impossible que tu n’y aies pas compris quelque chose.