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— Ô homme effronté, ingrat ! vociféra-t-elle tout à coup en frappant ses mains l’une contre l’autre. — Ce n’était pas assez pour vous de me couvrir de honte, vous vous êtes lié… Oh ! vieux libertin, homme sans vergogne !

Chère…

La voix lui manqua, tandis qu’il considérait la générale avec des yeux dilatés par la frayeur.

—Qui est-elle ?

C’est un ange… c’était plus qu’un ange pour moi, toute la nuit elle… Oh ! ne criez pas, ne lui faites pas peur, chère, chère…

Barbara Pétrovna se dressa brusquement sur ses pieds : « De l’eau, de l’eau ! » fit-elle d’un ton d’épouvante ; quoique Stépan Trophimovitch eût repris ses sens, elle continuait à regarder, pâle et tremblante, son visage défait ; maintenant seulement elle se doutait de la gravité de sa maladie.

— Daria, dit-elle tout bas à la jeune fille, — il faut faire venir immédiatement le docteur Zaltzfisch ; qu’Alexis Égorovitch parte tout de suite ; il prendra des chevaux ici, et il ramènera de la ville une autre voiture. Il faut que le docteur soit ici ce soir.

Dacha courut transmettre l’ordre de la générale. Le regard de Stépan Trophimovitch avait toujours la même expression d’effroi, ses lèvres blanches frémissaient, Barbara Pétrovna lui parlait comme à un enfant :

— Attends, Stépan Trophimovitch, attends, mon chéri ! Eh bien, attends donc, attends, Daria Pavlovna va revenir et… Ah ! mon Dieu, ajouta-t-elle, — logeuse, logeuse, mais viens donc, toi du moins, matouchka !

Dans son impatience, elle alla elle-même trouver la maîtresse de la maison.

— Fais revenir celle-là tout de suite, à l’instant. Ramène-la, ramène-la !

Par bonheur, Sophie Matvievna n’était pas encore sortie de la maison ; elle allait franchir le seuil de la porte avec son sac et son petit paquet, quand on lui fit rebrousser chem