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Jésus… » et tous la contempleront avec étonnement… Chère, vous comprendrez après, maintenant cela m’agite trop… Vous comprendrez après… Nous comprendrons ensemble.

Le délire s’empara de lui, et à la fin il perdit connaissance. Toute la journée suivante se passa de même. Sophie Matvievna pleurait, assise auprès du malade ; depuis trois nuits elle avait à peine pris un instant de repos, et elle évitait la présence des logeurs qui, elle le pressentait, songeaient déjà à les mettre tous deux à la porte. La délivrance n’arriva que le troisième jour. Le matin, Stépan Trophimovitch revint à lui, reconnut la colporteuse et lui tendit la main. Elle fit le signe de la croix avec confiance. Il voulut regarder par la fenêtre : « Tiens, un lac, dit-il ; ah ! mon Dieu, je ne l’avais pas encore vu… » En ce moment un équipage s’arrêta devant le perron de l’izba, et dans la maison se produisit un remue-ménage extraordinaire.

III

C’était Barbara Pétrovna elle-même qui arrivait dans une voiture à quatre places, avec Daria Pavlovna et deux laquais. Cette apparition inattendue s’expliquait le plus naturellement du monde : Anisim, qui se mourait de curiosité, était allé chez la générale dès le lendemain de son arrivée à la ville et avait raconté aux domestiques qu’il avait rencontré Stépan Trophimovitch seul dans un village, que des paysans l’avaient vu voyageant seul à pied sur la grande route, qu’enfin il était parti en compagnie de Sophie Matvievna pour Oustiévo, d’où il devait se rendre à Spassoff. Comme, de son côté, Barbara Pétrovna était déjà fort inquiète et cherchait de son mieux le fugitif, on l’avertit immédiatement de la présence d’Anisim. Après que celui-ci l’eût mise au courant des faits rapportés plus haut, elle donna ord