e nous allons faire ? Si l’on prévenait quelqu’un de vos amis ou de vos proches ?
Mais il fut si effrayé que la colporteuse regretta de lui avoir parlé de la sorte. Il la supplia en tremblant de n’appeler personne, de ne rien entreprendre ; il exigea d’elle une promesse formelle à cet égard. « Personne, personne ! répétait-il, — nous deux, rien que nous deux ! Nous partirons ensemble. »
Pour comble de disgrâce, les logeurs commençaient aussi à s’inquiéter ; ils bougonnaient, harcelaient de leurs réclamations Sophie Matvievna. Elle les paya et s’arrangea de façon à leur prouver qu’elle avait de l’argent, ce qui lui procura un peu de répit. Toutefois le maître de l’izba demanda à voir les « papiers » de Stépan Trophimovitch. Avec un sourire hautain celui-ci indiqua du geste son petit sac où se trouvait un document qui lui avait toujours tenu lieu de passeport : c’était un certificat constatant sa sortie du service. Sophie Matvievna montra cette pièce au logeur, mais il ne s’humanisa guère : « Il faut, dit-il, transporter le malade ailleurs, car notre maison n’est pas un hôpital, et s’il venait à mourir ici, cela nous attirerait beaucoup de désagréments. » Sophie Matvievna lui parla aussi d’envoyer chercher un médecin au chef-lieu, mais c’eût été une trop grosse dépense, et force fut de renoncer à cette idée. La colporteuse angoissée revint auprès de Stépan Trophimovitch. Ce dernier s’affaiblissait à vue d’œil.
— Maintenant lisez-moi encore quelque chose… l’endroit où il est question des cochons, dit-il tout à coup.
— Quoi ? fit avec épouvante Sophie Matvievna.
— L’endroit où l’on parle des cochons… C’est aussi dans votre livre… ces cochons… je me rappelle, des diables entrèrent dans des cochons, et tous se noyèrent. Lisez-moi cela, j’y tiens absolument ; je vous dirai ensuite pourquoi. Je veux me remettre en mémoire le texte même.
Sophie Matvievna connaissait bien les évangiles ; elle n’eut pas de peine à trouver dans celui de saint Luc le passage qui