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« Ces gens-là sont terriblement curieux ; la femme, du reste, parle mieux que le mari : je remarque que depuis le 19 février leur style s’est un peu modifié et… qu’importe que j’aille à Spassoff ou ailleurs ? Du reste, je les payerai, pourquoi donc me persécutent- ils ainsi ? »

— Si vous allez à Spassoff, il faut prendre le bateau à vapeur, dit le moujik.

— Certainement, ajouta avec animation la paysanne : — en prenant une voiture et en suivant la rive, vous allongeriez votre route de trente verstes.

— De quarante.

— Demain, à deux heures, vous trouverez le bateau à Oustiévo, reprit la femme.

Mais Stépan Trophimovitch s’obstina à ne pas répondre, et ses compagnons finirent par le laisser tranquille. Le moujik était occupé avec son cheval de nouveau engagé dans une ornière ; de loin en loin les deux époux échangeaient de courtes observations. Le voyageur commençait à sommeiller. Il fut fort étonné quand la paysanne le poussa en riant et qu’il se vit dans un assez gros village ; le chariot était arrêté devant une izba à trois fenêtres.

— Vous dormiez, monsieur ?

— Qu’est-ce que c’est ? Où suis-je ? Ah ! Allons ! Allons… cela m’est égal, soupira Stépan Trophimovitch, et il mit pied à terre.

Il regarda tristement autour de lui, se sentant tout désorienté dans ce milieu nouveau.

— Mais je vous dois cinquante kopeks, je n’y pensais plus ! dit-il au paysan vers lequel il s’avança avec un empressement extraordinaire ; évidemment, il n’osait plus se séparer de ses compagnons de route.

— Vous règlerez dans la chambre, entrez, répondit le moujik.

— Oui, c’est cela, approuva la femme.

Stépan Trophimovitch monta un petit perron aux marches branlantes.