coup. Pierre Stépanovitch regardait ostensiblement de côté et d’autre, observant les individus qui montaient dans le train. Presque tous lui étaient inconnus ; il n’eut à saluer que deux personnes : un marchand qu’il connaissait vaguement et un jeune prêtre de campagne qui retournait à sa paroisse. Dans ces dernières minutes, Erkel aurait voulu évidemment s’entretenir avec son ami de quelque objet important, bien que peut-être lui-même ne sût pas au juste de quoi ; mais il n’osait pas entrer en matière. Il lui semblait toujours que Pierre Stépanovitch avait hâte d’être débarrassé de lui et attendait avec impatience le second coup de sonnette.
— Vous regardez bien hardiment tout le monde, observa-t-il d’une voix un peu timide et comme en manière d’avis.
— Pourquoi pas ? Je n’ai pas encore lieu de me cacher, il est trop tôt. Ne vous inquiétez pas. Tout ce que je crains, c’est que le diable n’envoie ici Lipoutine ; s’il se doute de quelque chose, nous allons le voir accourir.
— Pierre Stépanovitch, il n’y a pas à compter sur eux, n’hésita point à faire remarquer Erkel.
— Sur Lipoutine ?
— Sur personne, Pierre Stépanovitch.
— Quelle niaiserie ! À présent ils sont tous liés par ce qui s’est fait hier. Pas un ne trahira. Qui donc va au-devant d’une perte certaine, à moins d’avoir perdu la tête ?
— Pierre Stépanovitch, mais c’est qu’ils perdront la tête.
Cette crainte était déjà venue évidemment à l’esprit de Pierre Stépanovitch lui-même, de là son mécontentement lorsqu’il en retrouva l’expression dans la bouche de l’enseigne.
— Est-ce que vous auriez peur aussi, Erkel ? J’ai plus de confiance en vous qu’en aucun d’eux. Je vois maintenant ce que chacun vaut. Transmettez-leur tout de vive voix aujourd’hui même, je les remets entre vos mains. Passez chez eux dans la matinée. Quant à mon instruction écrite, vous la leur lirez demain ou après-demain, vous les réunirez pour leur