— Oui, il faudra aussi parler des proclamations. Du reste, je dicterai. Cela vous est égal. Se peut-il que dans un pareil moment vous vous inquiétiez du contenu de cette lettre ?
— Ce n’est pas ton affaire.
— Sans doute, cela ne me regarde pas. Du reste, quelques lignes suffiront : vous écrirez que conjointement avec Chatoff vous avez répandu des proclamations, et que, à cet effet, vous vous serviez notamment de Fedka, lequel avait trouvé un refuge chez vous. Ce dernier point, celui qui concerne Fedka et son séjour dans votre logis, est très important, le plus important même. Voyez, je suis on ne peut plus franc avec vous.
— Chatoff ? Pourquoi Chatoff ? Pour rien au monde je ne parlerai de Chatoff.
— Vous voilà encore ! Qu’est-ce que cela vous fait ? Vous ne pouvez plus lui nuire.
— Sa femme est revenue chez lui. Elle s’est éveillée et a envoyé chez moi pour savoir où il est.
— Elle vous a fait demander où il est ? Hum ! voilà qui ne vaut rien. Elle est dans le cas d’envoyer de nouveau ; personne ne doit savoir que je suis ici…
L’inquiétude s’était emparée de Pierre Stépanovitch.
— Elle ne le saura pas, elle s’est rendormie ; Arina Prokhorovna, la sage-femme, est chez elle.
— Et… elle n’entendra pas, je pense ? Vous savez, il faudrait fermer en bas.
— Elle n’entendra rien. Et, si Chatoff vient, je vous cacherai dans l’autre chambre.
— Chatoff ne viendra pas ; vous écrirez qu’à cause de sa trahison et de sa dénonciation, vous avez eu une querelle avec lui… ce soir… et que vous êtes l’auteur de sa mort.
— Il est mort ! s’écria Kiriloff bondissant de surprise.
— Aujourd’hui, vers huit heures du soir, ou plutôt hier, car il est maintenant une heure du matin.
— C’est toi qui l’as tué !… Hier déjà je prévoyais cela !
— Comme c’était difficile à prévoir ! Tenez, c’est avec ce revolver (il sortit l’arme de sa poche comme pour la