domestiques invalides, pour ainsi dire. En tout cas, à supposer même que ces gens entendissent des cris, des appels désespérés, on pouvait être presque sûr que pas un ne quitterait son poêle pour courir au secours.
À six heures vingt, tous se trouvèrent réunis, à l’exception d’Erkel, qui avait été chargé d’aller chercher Chatoff. Cette fois, Pierre Stépanovitch ne se fit pas attendre ; il vint accompagné de Tolkatchenko. Ce dernier était fort soucieux ; sa résolution de parade, sa jactance effrontée avaient complètement disparu. Il ne quittait pas Pierre Stépanovitch, à qui tout d’un coup il s’était mis à témoigner un dévouement sans bornes : à chaque instant il s’approchait de lui d’un air affairé et lui parlait à voix basse, mais l’autre ne répondait pas ou grommelait d’un ton fâché quelques mots pour se débarrasser de son interlocuteur.
Chigaleff et Virguinsky arrivèrent plusieurs minutes avant Pierre Stépanovitch, et, dès que celui-ci parut, ils se retirèrent un peu à l’écart sans proférer un seul mot ; ce silence était évidemment prémédité. Verkhovensky leva sa lanterne et alla les regarder sous le nez avec un sans façon insultant. « Ils veulent parler », pensa- t-il.
— Liamchine n’est pas là ? demanda ensuite Pierre Stépanovitch à Virguinsky. — Qui est-ce qui a dit qu’il était malade ?
Liamchine, qui se tenait caché derrière un arbre, se montra soudain.
— Présent ! fit-il.
Le Juif avait revêtu un paletot d’hiver, et un plaid l’enveloppait des pieds à la tête, en sorte que, même avec une lanterne, il n’était pas facile de distinguer ses traits.
— Alors il ne manque que Lipoutine ?
À ces mots, Lipoutine sortit silencieusement de la grotte. Pierre Stépanovitch leva de nouveau sa lanterne.
— Pourquoi vous étiez-vous fourré là ? Pourquoi ne sortiez-vous pas ?
— Je suppose que nous conservons tous la liberté…