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cette justice qu’elle se limita aux choses les plus indispensables. Quelques-unes se trouvaient dans la chambre. Marie tendit sa clef à son mari pour qu’il fouillât dans son sac de voyage. Comme les mains de Chatoff tremblaient, il mit beaucoup de temps à ouvrir la serrure. La malade se fâcha, mais Arina Prokhorovna s’étant vivement avancée vers Chatoff pour lui prendre la clef, Marie ne voulut pas permettre à la sage-femme de visiter son sac, elle insista en criant et en pleurant pour que son époux seul se chargeât de ce soin.

Il fallut aller chercher certains objets chez Kiriloff. Chatoff n’eut pas plus tôt quitté la chambre que sa femme le rappela à grands cris ; il ne put la calmer qu’en lui disant pourquoi il sortait, et en lui jurant que son absence ne durerait pas plus d’une minute.

— Eh bien, vous êtes difficile à contenter, madame, ricana l’accoucheuse : — tout à l’heure la consigne était : tourne-toi du côté du mur et ne te permets pas de me regarder ; à présent, c’est autre chose : ne t’avise pas de me quitter un seul instant, et vous vous mettez à pleurer. Pour sûr, il va penser quelque chose. Allons, allons, ne vous fâchez pas, je plaisante.

— Il n’osera rien penser.

— Ta-ta-ta, s’il n’était pas amoureux de vous comme un bélier, il n’aurait pas couru les rues à perdre haleine et fait aboyer tous les chiens de la ville. Il a brisé un châssis chez moi.

V

Chatoff trouva Kiriloff se promenant encore d’un coin de la chambre à l’autre, et tellement absorbé qu’il avait même oublié l’arrivée de Marie Ignatievna ; il écoutait sans comprendre.