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n’avoir pas à vous repentir de votre résolution !

Et elle se leva pour s’en aller.

Marie était si brisée, si souffrante, et, pour dire la vérité, l’issue de cette crise lui causait une telle appréhension, qu’elle n’eût pas le courage de renvoyer la sage-femme. Mais madame Virguinsky lui devint tout à coup odieuse : son langage était absolument déplacé et ne répondait en aucune façon aux sentiments de Marie. Toutefois la crainte de mourir entre les mains d’une accoucheuse inexpérimentée triompha des répugnances de la malade. Elle passa sa mauvaise humeur sur Chatoff qu’elle tourmenta plus impitoyablement que jamais par ses caprices et ses exigences. Elle en vint jusqu’à lui défendre non seulement de la regarder, mais même de tourner la tête de son côté. À mesure que les douleurs prenaient un caractère plus aigu, Marie se répandait en imprécations et en injures de plus en plus violentes.

— Eh ! mais nous allons le faire sortir, observa Arina Prokhorovna, — il a l’air tout bouleversé, et, avec sa pâleur cadavérique, il n’est bon qu’à vous effrayer ! Qu’est-ce que vous avez, dites-moi, plaisant original ? Voilà une comédie !

Chatoff ne répondit pas ; il avait résolu de garder le silence.

— J’ai vu des pères bêtes en pareil cas, ils perdaient aussi l’esprit, mais ceux-là du moins…

— Taisez-vous ou allez-vous-en, j’aime mieux crever ! Ne dites plus un mot, je ne veux pas, je ne veux pas ! cria Marie.

— Il est impossible de ne pas dire un mot, vous le comprendriez si vous n’étiez pas vous-même privée de raison. Il faut au moins parler de l’affaire : dites, avez-vous quelque chose de prêt ? Répondez, vous, Chatoff, elle ne s’occupe pas de cela.

— Que faut-il, dites-moi ?

— Alors, c’est que rien n’a été préparé.

Elle indiqua tout ce dont on avait besoin, et je dois ici rendre