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— Pourquoi donc m’injuriez-vous comme cela ? Attendez, il faut y voir clair ; tenez, vous avez cassé un carreau… Qui est-ce qui injurie ainsi les gens pendant la nuit ? Voilà !

Chatoff prit le papier que Liamchine lui tendait par la fenêtre ; c’était un assignat de cinq roubles.

— En vérité, je ne puis pas vous donner davantage ; quand vous me mettriez le couteau sous la gorge, je ne le pourrais pas ; après- demain, oui, mais maintenant c’est impossible.

— Je ne m’en irai pas ! hurla Chatoff.

— Allons, tenez, en voilà encore un, et encore un, mais c’est tout ce que je donnerai. À présent criez tant que vous voudrez, je ne donnerai plus rien ; quoiqu’il advienne, vous n’aurez plus rien, plus rien, plus rien !

Il était furieux, désespéré, ruisselant de sueur. Les deux assignats qu’il venait encore de donner étaient des billets d’un rouble chacun. Chatoff se trouvait donc n’avoir obtenu en tout que sept roubles.

— Allons, que le diable t’emporte, je viendrai demain. Je t’assommerai, Liamchine, si tu ne me complètes pas la somme.

« Demain, je ne serai pas chez moi, imbécile ! » pensa à part soi le Juif.

— Arrêtez ! arrêtez ! cria-t-il comme déjà Chatoff s’éloignait au plus vite. — Arrêtez, revenez. Dites-moi, je vous prie, c’est bien vrai que votre femme est revenue chez vous ?

— Imbécile ! répondit Chatoff en lançant un jet de salive, et il raccourut chez lui aussi promptement que possible.

IV

Arina Prokhorovna ne savait rien des dispositions arrêtées à la séance de la veille. Rentré chez lui fort troublé, fort abattu, Virguinsky n’avait pas osé confier à sa femme la résolution prise par les nôtres, mais il n’avait pu s’em