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nuit qu’une clientèle particulière. Adressez-vous à madame Makchéeff et laissez-nous tranquilles ! reprit la voix féminine toujours irritée.

De la rue on entendait Virguinsky parlementer avec la vieille fille pour lui faire quitter la place, mais elle ne voulait pas se retirer.

— Je ne m’en irai pas ! répliqua Chatoff.

— Attendez, attendez donc ! cria Virguinsky, après avoir enfin réussi à éloigner sa parente, — je vous demande cinq minutes, Chatoff, le temps d’aller réveiller Arina Prokhorovna, mais, je vous en prie, cessez de cogner et de crier ainsi… Oh ! que tout cela est terrible !

Au bout de cinq minutes, — cinq siècles ! — madame Virguinsky se montra à la fenêtre.

— Votre femme est revenue chez vous ? questionna-t-elle d’un ton qui, au grand étonnement de Chatoff, ne trahissait aucune colère et n’était qu’impérieux ; mais Arina Prokhorovna avait naturellement le verbe haut, en sorte qu’il lui était impossible de parler autrement.

— Oui, ma femme est revenue, et elle va accoucher.

— Marie Ignatievna ?

— Oui, Marie Ignatievna. Ce ne peut être que Marie Ignatievna !

Il y eut un silence. Chatoff attendait. Dans la maison l’on causait à voix basse.

— Quand est-elle arrivée ? demanda ensuite madame Virguinsky.

— Ce soir, à huit heures. Vite, je vous prie.

Nouveaux chuchotements ; il semblait qu’on délibérât.

— Écoutez, vous ne vous trompez pas ? C’est elle-même qui vous a envoyé chez moi ?

— Non, ce n’est pas elle qui m’a envoyé chez vous : pour m’occasionner moins de frais, elle voudrait n’être assistée que par une bonne femme quelconque, mais ne vous inquiétez pas, je vous payerai.

— C’est bien, j’irai, que vous me payiez ou non. J’ai toujours