— C’est absurde !
— Comment, absurde ? Dis-moi ce que tu as, Marie ! On pourrait te mettre un cataplasme… sur le ventre, par exemple… Je puis faire cela sans médecin… Ou bien des sinapismes.
— Qu’est-ce que c’est que cela ? reprit-elle en relevant la tête et en regardant son mari d’un air effrayé.
Chatoff chercha en vain le sens de cette étrange question.
— De quoi parles-tu, Marie ? À quel propos demandes-tu cela ? Ô mon Dieu, je m’y perds ! Pardonne-moi, Marie, mais je ne comprends pas du tout ce que tu veux dire.
— Eh ! laissez donc, ce n’est pas votre affaire de comprendre. Et même cela serait fort drôle… répondit-elle avec un sourire amer. — Dites-moi quelque chose. Promenez-vous dans la chambre et parlez. Ne restez pas près de moi et ne me regardez pas, je vous en prie pour la centième fois !
Chatoff se mit à marcher dans la chambre en tenant ses yeux baissés et en faisant tous ses efforts pour ne pas les tourner vers sa femme.
— Il y a ici, — ne te fâche pas, Marie, je t’en supplie, — il y a ici du veau et du thé… Tu as si peu mangé tantôt…
Elle fit avec la main un geste de violente répugnance. Chatoff au désespoir se mordit la langue.
— Écoutez, j’ai l’intention de monter ici un atelier de reliure, cet établissement serait fondé sur les principes relationnels de l’association. Comme vous habitez la ville, qu’en pensez-vous ? Ai- je des chances de succès ?
— Eh ! Marie, chez nous on ne lit pas ; il n’y a même pas de livres. Et il en ferait relier ?
— Qui ? il :
— Le lecteur d’ici, l’habitant de la ville en général, Marie.
— Eh bien, alors exprimez-vous plus clairement, au lieu de dire : il, on ne sait pas à qui se rapporte ce pronom. Vous ne connaissez pas la grammaire.
— C’est dans l’esprit de la langue, Marie, balbutia Chatoff.
— Ah ! laissez-moi tranquille avec votre esprit, vous