tre femme.
Marie Chatoff parut fort contente en voyant le thé arriver si vite, et elle se jeta avidement sur ce breuvage, mais on n’eut pas besoin d’aller chercher le samovar : la voyageuse ne but qu’une demi-tasse et ne mangea qu’un tout petit morceau de pain. Elle repoussa le veau avec un dégoût mêlé de colère.
— Tu es malade, Marie ; tout cela est chez toi l’effet de la maladie… observa timidement Chatoff, qui, d’un air craintif, s’empressait autour d’elle.
— Certainement je suis malade. Asseyez-vous, je vous prie. Où avez-vous pris ce thé, si vous n’en aviez pas ?
Il dit quelques mots de Kiriloff. Elle avait déjà entendu parler de lui.
— Je sais que c’est un fou ; de grâce, assez là-dessus ; les imbéciles ne sont pas une rareté, n’est-ce pas ? Ainsi vous avez été en Amérique ? Je l’ai entendu dire, vous avez écrit.
— Oui, je… j’ai écrit à Paris.
— Assez, parlons d’autre chose, s’il vous plaît. Vous appartenez à l’opinion slavophile ?
— Je… ce n’est pas que je… Faute de pouvoir être Russe, je suis devenu slavophile, répondit Chatoff avec le sourire forcé de l’homme qui plaisante à contre-temps et sans en avoir envie.
— Ah ! vous n’êtes pas Russe ?
— Non, je ne suis pas Russe.
— Eh bien, tout cela, ce sont des bêtises. Pour la dernière fois, asseyez-vous. Pourquoi vous trémoussez-vous toujours ainsi ? Vous pensez que j’ai le délire ? Peut-être bien. Vous n’êtes que deux, dites-vous, dans la maison ?
— Oui… Au rez-de-chaussée…
— Et, pour l’intelligence, les deux font la paire. Qu’est-ce qu’il y a au rez-de-chaussée ? Vous avez dit : au rez-de-chaussée…
— Non, rien.
— Quoi, rien ? Je veux savoir.