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— Tenez, voilà encore cinq kopeks ! intervint Chatoff, qui se hâta de prendre un piatak dans sa poche et le donna au cocher.

— Ne vous avisez pas de faire cela, je vous prie ! protesta la voyageuse, mais l’automédon fouetta son cheval, et Chatoff, prenant sa femme par la main, l’introduisit dans la maison.

— Vite, Marie, vite… tout cela ne signifie rien et — comme tu es trempée ! Prends garde, il y a ici un escalier, — quel dommage qu’on ne voit pas clair ! — l’escalier est roide, tiens-toi à la rampe, tiens-toi bien ; voilà ma chambrette. Excuse-moi, je n’ai pas de feu… Tout de suite !

Il ramassa le chandelier, mais cette fois encore les allumettes furent longues à trouver. Silencieuse et immobile, madame Chatoff attendait debout au milieu de la chambre.

— Grâce à Dieu, enfin ! s’écria-t-il joyeusement quand il eut allumé la bougie. Marie Chatoff parcourut le local d’un rapide regard.

— J’avais bien entendu dire que vous viviez dans un taudis, pourtant je ne m’attendais pas à vous trouver ainsi logé, observa- t-elle d’un air de dégoût, et elle s’avança vers le lit.

— Oh ! je n’en puis plus ! poursuivit la jeune femme en se laissant tomber avec accablement sur la dure couche de Chatoff. — Débarrassez-vous de ce sac, je vous prie, et prenez une chaise. Du reste, faites comme vous voulez. Je suis venue vous demander un asile provisoire, en attendant que je me sois procuré du travail, parce que je ne connais rien ici et que je n’ai pas d’argent. Mais, si je vous gêne, veuillez, s’il vous plaît, le déclarer tout de suite, comme c’est même votre devoir de le faire, si vous êtes un honnête homme. J’ai quelques objets que je puis vendre demain, cela me permettra de me loger en garni quelque part ; vous aurez la bonté de me conduire dans un hôtel… Oh ! mais que je suis fa