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ulsive, — j’irai vous chercher à l’autre bout de la terre… je vous écraserai comme une mouche… vous comprenez !

Et il braqua son revolver sur le front de Kiriloff ; mais, presque aussitôt, reprenant enfin possession de lui-même, il remit l’arme dans sa poche et s’esquiva sans ajouter un mot. Lipoutine se retira aussi. Tous deux se glissèrent hors de la maison par l’issue secrète que nous connaissons déjà. Une fois dans la rue, Pierre Stépanovitch commença à marcher d’un pas si rapide que son compagnon eut peine à le suivre. Arrivé au premier carrefour, il s’arrêta tout à coup.

— Eh bien ? fit-il d’un ton de défi en se retournant vers Lipoutine.

Celui-ci songeait au revolver, et le souvenir de la scène précédente le faisait encore trembler de tous ses membres ; mais la réponse jaillit de ses lèvres, pour ainsi dire, spontanément :

— Je pense… je pense que « de Smolensk à Tachkent on n’attend plus l’étudiant avec tant d’impatience ».

— Et avez-vous vu ce que Fedka buvait à la cuisine ?

— Ce qu’il buvait ? c’était de la vodka.

— Eh bien, sachez qu’il a bu de la vodka pour la dernière fois de sa vie. Je vous prie de vous rappeler cela pour votre gouverne. Et maintenant allez-vous-en au diable, je n’ai plus besoin de vous d’ici à demain… Mais prenez garde à vous : pas de bêtise !

Lipoutine revint chez lui en toute hâte.

IV

Depuis longtemps il s’était muni d’un faux passeport. Chose qu’on aura peine à s’expliquer, cet homme aux instincts bourgeois, ce petit tyran domestique resté fo