— Vous ne l’y trouverez pas, car il est ici et non là.
— Comment, ici ? Le diable m’emporte, où donc ?
— Il est à la cuisine, il mange et boit.
— Mais comment a-t-il osé ?… cria Pierre Stépanovitch rouge de colère. — Il devait attendre… c’est absurde ! Il n’a ni passeport, ni argent !
— Je ne sais pas. Il est venu en costume de voyage me faire ses adieux. Il part sans esprit de retour. Il dit que vous êtes un coquin et qu’il ne veut pas attendre votre argent.
— A-ah ! Il a peur que je… Eh bien, mais je puis maintenant encore le…, si… Où est-il ? À la cuisine ?
Kiriloff ouvrit une porte latérale donnant accès à une chambre toute petite et plongée dans l’obscurité. En descendant un escalier de trois marches, on passait de ce réduit dans la partie de la cuisine où couchait habituellement la cuisinière, et qu’une cloison séparait du reste de la pièce. Là, dans un coin, au- dessous des icônes, Fedka était attablé devant une demi-bouteille, une assiette de pain, un morceau de bœuf froid et des pommes de terre. L’ex-forçat, déjà à moitié ivre, portait une pelisse de mouton et semblait tout prêt à se mettre en route. Derrière la cloison un samovar bouillait, mais non à l’intention de Fedka ; c’était ce dernier qui, connaissant les habitudes d’Alexis Nilitch, avait l’obligeance de lui préparer du thé chaque nuit, depuis une semaine au moins. Quant au bœuf et aux pommes de terre, je suis très disposé à croire que Kiriloff, n’ayant pas de cuisinière, les avait fait cuire lui-même pour son hôte dans la matinée.
— Qu’est-ce que tu as imaginé ? cria Pierre Stépanovitch en faisant irruption dans la cuisine. — Pourquoi n’as-tu pas attendu à l’endroit où l’on t’avait ordonné de te trouver ?
Et il déchargea un violent coup de poing sur la table.
Fedka prit un air digne.
— Une minute, Pierre Stépanovitch, une minute ! commença-t-il en détachant chaque mot avec une netteté qui visait à l’effet, — ton premier devoir est de comprendre que