Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

ompliriez votre devoir comme un homme indépendant et progressiste.

— Vous êtes plaisant.

— Tant mieux, je suis bien aise de vous amuser. Je me réjouis toujours quand il m’est donné d’égayer les gens.

— Vous tenez beaucoup à ce que je me brûle la cervelle, et vous avez peur que je ne revienne sur ma résolution.

— Voyez-vous, c’est vous-même qui avez associé votre projet à nos agissements. Comptant que vous accompliriez votre dessein, nous avons entrepris quelque chose, en sorte qu’à présent un refus de votre part équivaudrait à une trahison.

— Vous n’avez aucun droit.

— Je comprends, je comprends, vous êtes parfaitement libre, et nous ne sommes rien ; tout ce que nous vous demandons, c’est d’accomplir votre volonté.

— Et je devrai prendre à mon compte toutes vos infamies ?

— Écoutez, Kiriloff, vous ne canez pas ? Si vous voulez vous dédire, déclarez-le tout de suite.

— Je ne cane pas.

— Je dis cela parce que vous faites beaucoup de questions.

— Partirez-vous bientôt ?

— Vous voilà encore à demander cela ?

Kiriloff le considéra avec mépris.

— Voyez-vous, poursuivit Pierre Stépanovitch, qui, de plus en plus irrité et inquiet, ne trouvait pas le ton convenable, — vous voulez que je m’en aille et que je vous laisse à vos réflexions ; mais tout cela, c’est mauvais signe pour vous-même, pour vous le premier. Vous voulez trop méditer. À mon avis, il vaudrait mieux faire tout cela d’un coup, sans réfléchir. Et vraiment vous m’inquiétez.

— Il n’y a qu’une chose qui me répugne, c’est d’avoir à ce moment-là une canaille comme vous à côté de moi.

— Eh bien, qu’à cela ne tienne, je sortirai quand il le faudra et j’attendrai sur le perron. Si vous vous donnez la