« INCOGNITO. »
Von Lembke expliqua que la lettre avait été déposée la veille dans la loge en l’absence du suisse.
— Eh bien, qu’est-ce que vous en pensez ? demanda presque brutalement Pierre Stépanovitch.
— J’incline à la considérer comme l’œuvre d’un mauvais plaisant, d’un farceur anonyme.
— C’est la conjecture la plus vraisemblable. On ne vous monte pas le coup.
— Ce qui me fait croire cela, c’est surtout la bêtise de cette lettre.
— Vous en avez déjà reçu de semblables depuis que vous êtes ici ?
— J’en ai reçu deux, également sans signature.
— Naturellement, les auteurs de ces facéties ne tiennent pas à se faire connaître. D’écritures et de styles différents ?
— Oui.
— Et bouffonnes comme celles-ci ?
— Oui, bouffonnes, et, vous savez… dégoûtantes.
— Eh bien, puisque ce n’est pas la première fois qu’on vous adresse pareilles pasquinades, cette lettre doit sûrement provenir d’une officine analogue.
— D’autant plus qu’elle est idiote. Ces gens-là sont instruits, et, à coup sûr, ils n’écrivent pas aussi bêtement.
— Sans doute, sans doute.
—Mais si cette lettre émanait en effet de quelqu’un qui offrit réellement ses services comme dénonciateur ?
— C’est invraisemblable, répliqua sèchement Pierre Stépanovitch. — Ce pardon que la troisième section doit envoyer par le télégraphe, cette demande d’une pension, qu’est-ce que cela signifie ? La mystification est évidente.
— Oui, oui, reconnut Von Lembke honteux de la supposition qu’il venait d’émettre.
— Savez-vous ce qu’il faut faire ? Laissez-moi cette lettre. Je vous en découvrirai certainement l’auteur. Je le trouverai plus vite qu’aucun de vos agents.