— Le pire, c’est que vous vous esquivez par la tangente. Du reste, voulez-vous lire ceci et le montrer aux autres ? C’est seulement pour votre édification.
Il tira de sa poche la lettre anonyme que Lébiadkine avait écrite à Lembke et la tendit à Lipoutine. Celui-ci la lut avec un étonnement visible, et, pensif, la donna à son voisin ; la lettre eut bientôt fait le tour de la société.
— Est-ce, en effet, l’écriture de Lébiadkine ? questionna Chigaleff.
— Oui, c’est son écriture, déclarèrent Lipoutine et Tolkatchenko (celui qui connaissait le peuple).
— J’ai seulement voulu vous édifier, voyant combien vous étiez sensible au sort de Lébiadkine, répéta Pierre Stépanovitch ; — ainsi, messieurs, continua-t-il après avoir repris la lettre, — un Fedka, sans s’en douter, nous débarrasse d’un homme dangereux. Voilà ce que fait parfois le hasard ! N’est-ce pas que c’est instructif ?
Les membres échangèrent entre eux un rapide regard.
— Et maintenant, messieurs, c’est à mon tour de vous interroger, poursuivit avec dignité Pierre Stépanovitch. — Puis-je savoir pourquoi vous avez cru devoir brûler la ville sans y être autorisés ?
— Comment ? Quoi ? C’est nous, nous qui avons brûlé la ville ? Voilà une idée de fou ! s’écrièrent les interpellés.
— Je comprends que vous ayez voulu vous amuser, continua sans s’émouvoir Pierre Stépanovitch, — mais il ne s’agit pas, dans l’espèce, des petits scandales qui ont égayé la fête de Julie Mikhaïlovna. Je vous ai convoqués ici pour vous révéler la gravité du danger que vous avez si bêtement attiré sur vous et qui menace bien autre chose encore que vos personnes.
Virguinsky, resté jusqu’alors silencieux, prit la parole d’un ton presque indigné :
— Permettez, nous avions, nous, l’intention de vous déclarer qu’une mesure si grave et en même temp