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deux mots encore au sujet d’une niaiserie, ensuite je ne vous retiens plus.

Il ouvrit un des tiroirs de son bureau et y prit un pli.

— Voici un petit document qui se rapporte à la même affaire ; je vous prouve par cela même que j’ai en vous la plus grande confiance. Tenez, vous me direz votre opinion.

Ce pli était à l’adresse de Von Lembke qui l’avait reçu la veille, et il contenait une lettre anonyme fort étrange. Pierre Stépanovitch lut avec une extrême colère ce qui suit :

« Excellence !

« Car votre tchin vous donne droit à ce titre. Par la présente je vous informe d’un attentat tramé contre la vie des hauts fonctionnaires et de la patrie, car cela y mène directement. Moi- même j’en ai distribué pendant une multitude d’années. C’est aussi de l’impiété. Un soulèvement se prépare, et il y a plusieurs milliers de proclamations, chacune d’elles mettra en mouvement cent hommes tirant la langue, si l’autorité ne prend des mesures, car on promet une foule de récompenses, et la populace est bête, sans compter l’eau-de-vie. Si vous voulez une dénonciation pour le salut de la patrie ainsi que des églises et des icônes, seul je puis la faire. Mais à condition que seul entre tous je recevrai immédiatement de la troisième section mon pardon par le télégraphe ; quant aux autres, qu’ils soient livrés à la justice. Pour signal, mettez chaque soir, à sept heures, une bougie à la fenêtre de la loge du suisse. En l’apercevant, j’aurai confiance et je viendrai baiser la main miséricordieuse envoyée de la capitale, mais à condition que j’obtiendrai une pension, car autrement avec quoi vivrai-je ? Vous n’aurez pas à vous en repentir, vu que le gouvernement vous donnera une plaque. Motus, sinon ils me tordront le cou.

« L’homme lige de Votre Excellence, qui baise la trace de vos pas, le libre penseur repentant,