Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée

commença Pierre Stépanovitch, — c’est par ici qu’il faut prendre, au lieu de passer devant le jardin. Secondement, il est impossible, en tout cas, que vous fassiez la route à pied, il y a trois verstes d’ici chez vous, et vous êtes à peine vêtue. Si vous attendiez une minute ? Mon cheval est à l’écurie, je vais le faire atteler tout de suite, vous monterez dans mon drojki, et je vous ramènerai chez vous sans que personne vous voie.

— Que vous êtes bon… dit avec sentiment Lisa.

— Laissez donc ; à ma place tout homme humain en ferait autant…

Lisa regarda son interlocuteur, et ses traits prirent une expression d’étonnement.

— Ah ! mon Dieu, je pensais que ce vieillard était toujours là !

— Écoutez, je suis bien aise que vous preniez la chose de cette façon, parce qu’il n’y a là qu’un préjugé stupide ; puisqu’il en est ainsi, ne vaut-il pas mieux que j’ordonne tout de suite à ce vieillard de préparer la voiture ? C’est l’affaire de dix minutes, nous rebrousserions chemin et nous attendrions devant le perron, hein ?

— Je veux auparavant… où sont ces gens qu’on a tués ?

— Allons, voilà encore une fantaisie ! C’est ce que je craignais… Non, trêve de fadaises ; vous n’avez pas besoin d’aller voir cela.

— Je sais où ils sont, je connais cette maison.

— Eh bien, qu’importe que vous la connaissiez ? Voyez donc, il pleut, il fait du brouillard (voilà, pourtant, j’ai assumé un devoir sacré !)… Écoutez, Élisabeth Nikolaïevna, de deux choses l’une : ou vous acceptez une place dans mon drojki, alors attendez et ne bougez pas d’ici, car si nous faisons encore vingt pas, Maurice Nikolaïévitch ne manquera pas de nous apercevoir…

— Maurice Nikolaïévitch ! Où ? Où ?

— Eh bien, si vous voulez l’aller retrouver, soit, je vous accompagnerai encore un moment et je vous montrerai où il est, mais ensuite je vous tirerai ma révérence ; je n