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je dirais : oui… Si seulement la chose était un tant soit peu plus intelligente…

— Je suis un bouffon, mais je ne veux pas que vous, la meilleure partie de moi-même, vous en soyez un ! Vous me comprenez ?

Nicolas Vsévolodovitch comprit ce langage qui aurait peut-être été incompréhensible pour tout autre. Chatoff avait été fort étonné en entendant Stavroguine lui dire qu’il y avait de l’enthousiasme chez Pierre Stépanovitch.

— Pour le moment laissez-moi et allez-vous-en au diable, mais d’ici à demain j’aurai pris une résolution. Venez demain.

— Oui ? C’est : oui ?

— Est-ce que je sais ?… Allez au diable, au diable !

Et il sortit de la salle.

— Après tout, cela vaut peut-être encore mieux, murmura à part soi Pierre Stépanovitch en remettant son revolver dans sa poche.

III

Il n’eut pas de peine à rattraper Élisabeth Nikolaïevna, qui n’était encore qu’à quelques mètres de la maison. Alexis Égorovitch, en frac et sans chapeau, la suivait à un pas de distance. Il avait pris une attitude respectueuse et suppliait instamment la jeune fille d’attendre la voiture ; le vieillard était fort ému, il pleurait presque.

— Va-t-en, ton maître demande du thé, il n’y a personne pour le servir, dit Pierre Stépanovitch au domestique, et, après l’avoir ainsi renvoyé, il prit sans façon le bras d’Élisabeth Nikolaïevna.

Celle-ci le laissa faire, mais elle ne semblait pas en possession de toute sa raison, la présence d’esprit ne lui était pas encore revenue.

— D’abord, vous ne devez pas aller de ce côté,