vous prouver qu’avec moi vous ne vous ennuierez pas ; je suis fort utile sous ce rapport ; en général j’aime à faire plaisir aux gens. Si maintenant vous n’avez plus besoin d’elle, ce que je présumais en venant chez vous, eh bien… »
— Ainsi ce n’est que pour mon amusement que vous l’avez amenée ?
— Pourquoi donc aurait-ce été ?
— Ce n’était pas pour me décider à tuer ma femme ?
— En voilà une ! Mais est-ce que vous l’avez tuée ? Quel homme tragique !
—Vous l’avez tuée, cela revient au même.
— Mais est-ce que je l’ai tuée ? Je vous répète que je ne suis absolument pour rien dans cette affaire-là. Pourtant vous commencez à m’inquiéter…
— Continuez, vous disiez : « Si maintenant vous n’avez plus besoin d’elle, eh bien… »
— Eh bien, je vous prierai de me la rendre, naturellement ! Je la marierai à Maurice Nikolaïévitch ; soit dit en passant, ce n’est nullement moi qui l’ai mis en faction devant la grille de votre jardin, n’allez pas encore vous fourrer cela dans la tête ! Voyez- vous, j’ai peur de lui en ce moment. Vous parliez de drojki, mais j’avais beau rouler à toute vitesse, je n’étais pas rassuré tantôt en passant à côté de lui. « S’il était armé d’un revolver ?… » me disais-je. Heureusement que j’ai pris le mien. Le voici (il tira de sa poche un revolver qu’il s’empressa d’y remettre aussitôt après l’avoir montré à Stavroguine), — je m’en suis muni à cause de la longueur de la route… Pour ce qui est d’Élisabeth Nikolaïevna, je vous aurai tout dit en deux mots : son petit coeur souffre maintenant à la pensée de Maurice… du moins il doit souffrir… et vous savez — vraiment, elle n’est pas sans m’inspirer quelque pitié ! Je vais la colloquer à Maurice, et aussitôt elle commencera à se souvenir de vous, à lui chanter vos louanges, à l’insulter en face, — tel est le cœur de la femme ! Eh bien, voilà que vous riez encore ? J