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aura soin de conserver ces petits cadavres pour vous les servir plus tard, après un an de mariage. Toute femme, en allant ceindre la couronne nuptiale, cherche ainsi des armes dans le passé de son mari, mais d’ici là… qu’y aura-t- il dans un an ? Ha, ha, ha !

— Si vous avez un drojki, conduisez-la tout de suite auprès de Maurice Nikolaïévitch. Elle m’a déclaré tout à l’heure qu’elle ne pouvait pas me souffrir et qu’elle allait me quitter ; assurément elle ne me permettrait pas de lui offrir une voiture.

— Ba-ah ! Est-ce que, réellement, elle veut s’en aller ? D’où cela pourrait-il venir ? demanda Pierre Stépanovitch en regardant Stavroguine d’un air stupide.

— Elle s’est aperçue cette nuit que je ne l’aimais pas du tout… ce que, sans doute, elle a toujours su.

— Mais est-ce que vous ne l’aimez pas ? répliqua le visiteur qui paraissait prodigieusement étonné ; — s’il en est ainsi, pourquoi donc hier, quand elle est entrée, l’avez-vous gardée chez vous au lieu de la prévenir loyalement dès l’abord que vous ne l’aimiez pas ? Vous avez commis une lâcheté épouvantable ; et quel rôle ignoble je me trouve, par votre fait, avoir joué auprès d’elle !

Stavroguine eut un brusque accès d’hilarité.

— Je ris de mon singe, se hâta-t-il d’expliquer.

— Ah ! vous avez deviné que je faisais le paillasse, reprit en riant aussi Pierre Stépanovitch ; — c’était pour vous égayer ! Figurez-vous, au moment où vous êtes entré ici, votre visage m’a appris que vous aviez du « malheur ». Peut-être même est-ce une déveine complète, hein ? Tenez, je parie, poursuivit-il en élevant gaiement la voix, — que pendant toute la nuit vous êtes resté assis à côté l’un de l’autre dans la salle, et que vous avez perdu un temps précieux à faire assaut de noblesse… Allons, pardonnez- moi, pardonnez-moi ; cela m’est bien égal après tout : hier déjà j’étais sûr que le dénouement serait bête. Je vous l’ai amenée à seule fin de vous procurer un peu d’amusement, et pour