Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

elui-ci l’avait fait sortir. Nicolas Vsévolodovitch, après avoir fermé sur lui la porte donnant accès à la salle, attendit ce qu’on avait à lui communiquer. Pierre Stépanovitch jeta sur lui un regard sondeur.

— Eh bien ?

— Si vous savez déjà les choses, répondit précipitamment Pierre Stépanovitch dont les yeux semblaient vouloir lire dans l’âme de Stavroguine, — je vous dirai que la faute n’est, bien entendu, à aucun de nous, et que vous êtes moins coupable que personne, attendu qu’il y a eu là un tel concours… une telle coïncidence d’événements… bref, au point de vue juridique, vous êtes tout à fait hors de cause, j’avais hâte de vous en informer.

— Ils ont été brûlés ? Assassinés ?

— Assassinés, mais pas brûlés, et c’est ce qu’il y a de vexant. Du reste, je vous donne ma parole d’honneur que moi non plus je ne suis pour rien dans l’affaire, quels que soient vos soupçons à mon endroit, — car peut-être vous me soupçonnez, hein ? Voulez-vous que je vous dise toute la vérité ? Voyez-vous, cette idée s’est bien offerte un instant à mon esprit, — vous-même me l’aviez suggérée, sans y attacher d’importance, il est vrai, et seulement pour me taquiner (car vous ne me l’auriez pas suggérée sérieusement), — mais je n’y ai pas donné suite, et je ne l’aurais voulu faire à aucun prix, pas même pour cent roubles, — d’autant plus que l’intérêt était nul, pour moi, entendons-nous, pour moi… (Tout ce discours était débité avec une volubilité extraordinaire.) Mais voyez comme les circonstances se sont rencontrées : j’ai de ma poche (vous entendez : de ma poche, pas un rouble n’est venu de vous, et vous-même le savez), j’ai de ma poche donné à l’imbécile Lébiadkine deux cent trente roubles dans la soirée d’avant-hier, — vous entendez, avant-hier, et non pas hier après la matinée littéraire, notez cela : j’appelle votre attention sur ce point parce qu’alors je ne savais pas encore qu’Élisabeth Nikolaïevna irait chez vous ; j’ai tiré cet argent de ma propre