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toute notre vie à regarder cette bête en tremblant, et c’est ainsi que nous filerions ensemble le parfait amour. Adressez-vous à Dachenka ; celle-là vous suivra où vous voudrez.

— Ne pouviez-vous pas vous dispenser de prononcer son nom dans la circonstance présente ?

— Pauvre chienne ! Faites-lui mes compliments. Sait-elle qu’en Suisse déjà vous vous l’étiez réservée comme un en cas pour votre vieillesse ? Quelle prévoyance ! quel esprit pratique ! Ah ! qui est là ?

Au fond de la salle la porte s’était entrebâillée, laissant voir une tête qui disparut presque au même instant.

— C’est toi, Alexis Egoritch ? demanda Stavroguine.

— Non, ce n’est que moi, répondit Pierre Stépanovitch passant de nouveau sa tête et la moitié de son corps par l’ouverture de la porte. — Bonjour, Élisabeth Nikolaïevna ; en tout cas, bon matin. Je savais bien que je vous trouverai tous les deux dans cette salle. Je ne viens que pour un instant, Nicolas Vsévolodovitch, — il faut, à tout prix, que je vous dise deux mots… c’est absolument nécessaire… deux petits mots, pas davantage !

Stavroguine se dirigea vers la porte, mais, après avoir fait trois pas, il revint vers Lisa.

— Si tout à l’heure tu entends quelque chose, Lisa, sache-le : je suis coupable !

Elle frissonna et le regarda d’un air effrayé, mais il sortit au plus vite.

II

La pièce dont Pierre Stépanovitch venait d’entrouvrir la porte était une grande antichambre de forme ovale. Alexis Egoritch s’y trouvait avant l’arrivée du visiteur, mais c