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tre amour-propre parce qu’une femme vous a quitté la première, au lieu d’attendre que vous lui donniez son congé ? Vous savez, Nicolas Vsévolodovitch, je me suis convaincue, entre autres choses, de votre extrême magnanimité à mon égard, et, tenez, je ne puis pas souffrir cela chez vous.

Il se leva et fit quelques pas dans la chambre.

— C’est bien, j’admets que cela doive finir ainsi, soit… Mais comment tout cela a-t-il pu arriver ?

— Voilà ce qui vous intrigue ! Et le plus fort, c’est que vous êtes parfaitement édifié là-dessus, que vous comprenez la chose mieux que personne, et que vous-même l’aviez prévue. Je suis une demoiselle, mon cœur a fait son éducation à l’Opéra, tel a été le point de départ, tout est venu de là…

— Non.

— Il n’y a rien ici qui soit de nature à froisser votre amour- propre, et c’est l’exacte vérité. Cela a commencé par un beau moment qui a été plus fort que moi. Avant-hier, en rentrant chez moi après votre réponse si chevaleresque à l’insulte publique que je vous avais faite, j’ai deviné tout de suite que si vous me fuyiez, c’était parce que vous étiez marié, et nullement parce que vous me méprisiez, chose dont j’avais surtout peur en ma qualité de jeune fille mondaine. J’ai compris qu’en m’évitant vous me protégiez contre ma propre imprudence. Vous voyez comme j’apprécie votre grandeur d’âme. Alors est arrivé Pierre Stépanovitch, qui m’a tout expliqué. Il m’a révélé que vous étiez agité par une grande idée devant laquelle nous n’étions, lui et moi, absolument rien, mais que néanmoins j’étais un obstacle sur votre chemin. Il m’a dit qu’il était votre associé dans cette entreprise et m’a instamment priée de me joindre à vous deux ; son langage était tout à fait fantastique, il citait des vers d’une chanson russe où il est question d’un navire aux rames d’érable. Je l’ai complimenté sur son imagination poétique, et il a pris mes paroles pour des propos sans conséquence. Mais sachant depuis longtemps que mes résolutions