— Que veux-tu dire ? questionna-t-il en regardant fixement son interlocutrice.
— Je voulais vous demander si vous l’aviez payée de votre vie ou de la mienne. Est-ce qu’à présent vous ne comprenez plus rien ? répliqua en rougissant la jeune fille. — Pourquoi avez-vous fait ce brusque mouvement ? Pourquoi me regardez-vous avec cet air-là ? Vous m’effrayez. De quoi avez-vous toujours peur ? Voilà déjà longtemps que je m’en aperçois, vous avez peur, maintenant surtout… Seigneur, que vous êtes pâle !
— Si tu sais quelque chose, Lisa, je te jure que je ne sais rien… ce n’est nullement de cela que je parlais tout à l’heure, en disant que j’avais payé d’une vie…
— Je ne vous comprends pas du tout, répondit-elle avec un tremblement dans la voix.
À la fin, un sourire lent, pensif, se montra sur les lèvres de Nicolas Vsévolodovitch. Il s’assit sans bruit, posa ses coudes sur ses genoux et mit son visage dans ses mains.
— C’est un mauvais rêve et un délire… Nous parlions de deux choses différentes.
— Je ne sais pas du tout de quoi vous parliez… Pouviez-vous ne pas savoir hier que je vous quitterais aujourd’hui ? Le saviez- vous, oui ou non ? Ne mentez pas, le saviez-vous, oui ou non ?
— Je le savais… fit-il à voix basse.
— Eh bien, alors, de quoi vous plaignez-vous ? vous le saviez et vous avez mis l’ »instant » à profit. Quelle déception y a-t-il ici pour vous ?
— Dis-moi toute la vérité, cria Stavroguine avec l’accent d’une profonde souffrance : — hier, quand tu as ouvert ma porte, savais- tu toi-même que tu n’entrais chez moi que pour une heure ?
Elle fixa sur lui un regard haineux.
— C’est vrai que l’homme le plus sérieux peut poser les questions les plus étonnantes. Et pourquoi tant vous inquiéter de cela ? Vous sentiriez-vous atteint dans vo