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it que c’était un cadavre qui venait chez vous. Voilà ce que vous avez cru nécessaire d’oublier. Vous l’avez oublié, ou vous n’y avez pas fait attention.

— Je ne m’en souviens pas, Lisa. Pourquoi un cadavre ? Il faut vivre…

— Et c’est tout ? Vous avez perdu toute votre éloquence. J’ai eu mon heure de vie, c’est assez. Vous vous souvenez de Christophore Ivanovitch ?

— Non, je n’ai aucun souvenir de lui, répondit Nicolas Vsévolodovitch en fronçant le sourcil.

— Christophore Ivanovitch, dont nous avons fait la connaissance à Lausanne ? Vous le trouviez insupportable. En ouvrant la porte, il ne manquait jamais de dire : « Je viens pour une petite minute », et il restait toute la journée. Je ne veux pas ressembler à Christophore Ivanovitch et rester toute la journée.

Une impression de souffrance se manifesta sur le visage de Stavroguine.

— Lisa, s’écria-t-il, — je te le jure, je t’aime maintenant plus qu’hier quand tu es entrée chez moi !

— Quelle étrange déclaration ! Pourquoi prendre hier comme mesure et le mettre en comparaison avec aujourd’hui ?

— Tu ne me quitteras pas, poursuivit Stavroguine avec une sorte de désespoir, — nous partirons ensemble, aujourd’hui même, n’est- ce pas ? N’est-ce pas ?

— Aïe ! ne me serrez pas si fort le bras, vous me faites mal ! Où aller ensemble aujourd’hui même ? Commencer quelque part une « vie nouvelle » ? Non, voilà déjà assez d’essais… d’ailleurs, c’est trop long pour moi, j’en suis incapable, je ne suis pas à la hauteur. Où j’irais volontiers, c’est à Moscou, pour y faire des visites et en recevo