dit-il, — dans dix minutes nous saurons tout ; en attendant, les gens disent que la partie du Zariétchié qui a brûlé est celle qui avoisine le quai, à droite du pont. L’incendie s’est déclaré entre onze heures et minuit ; à présent c’est la fin.
Il ne s’approcha pas de la fenêtre et s’arrêta à trois pas derrière la jeune fille ; mais elle ne se retourna pas vers lui.
— D’après le calendrier, on devrait voir clair depuis une heure, et il fait presque aussi noir qu’en pleine nuit, observa-t-elle d’un ton vexé.
— Tous les calendriers mentent, répondit avec un sourire aimable Nicolas Vsévolodovitch, mais, honteux d’avoir émis une observation aussi banale, il se hâta d’ajouter : — Il est ennuyeux de vivre d’après le calendrier, Lisa.
Et, s’avouant avec colère qu’il venait de dire une nouvelle platitude, il garda définitivement le silence. Lisa eut un sourire amer.
— Vous êtes dans une disposition d’esprit si chagrine que vous ne trouvez même rien à me dire. Mais rassurez-vous, votre remarque ne manquait pas d’à-propos : je vis toujours selon le calendrier, c’est lui qui règle chacune de mes actions. Vous vous étonnez de m’entendre parler ainsi ?
Elle quitta brusquement la fenêtre et prit place sur un fauteuil.
— Asseyez-vous aussi, je vous prie. Nous n’avons pas longtemps à être ensemble, et je veux dire tout ce qu’il me plaît… Pourquoi n’en feriez-vous pas autant ?
Nicolas Vsévolodovitch s’assit à côté de la jeune fille et doucement, presque craintivement, la prit par la main.
— Que signifie ce langage, Lisa ? Quelle peut en être la cause subite ? Pourquoi dire que « nous n’avons pas longtemps à être ensemble » ? Voilà déjà la seconde phrase énigmatique qui sort de ta bouche depuis une demi-heure que tu es éveillée.
— Vous vous mettez à compter mes phrases énigmatiques ? reprit- elle en riant. — Mais vous rappelez-vous quel a été mon premier mot hier, en arrivant ici ? Je vous ai d