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chroniqueur devient particulièrement pénible. Il était plus de dix heures quand j’arrivai chez la maréchale de la noblesse. Malgré le peu de temps dont on disposait, la vaste salle où s’était donnée la séance littéraire avait été convertie en salle de danse, et l’on espérait y voir toute la ville. Pour moi, depuis la matinée, je ne me faisais aucune illusion à cet égard, mais l’événement dépassa mes prévisions les plus pessimistes. Pas une famille de la haute société ne vint au bal, et tous les fonctionnaires de quelque importance firent également défaut. L’abstention presque générale du public féminin donna un démenti au pronostic de Pierre Stépanovitch (sans doute celui-ci avait sciemment trompé la gouvernante) : il y avait tout au plus une dame pour quatre cavaliers, et encore quelles dames ! Des femmes d’officiers subalternes, d’employés de la poste et de petits bureaucrates, trois doctoresses accompagnées de leurs filles, deux ou trois représentantes de la petite propriété, les sept filles et la nièce du secrétaire dont j’ai parlé plus haut, des boutiquières, — était-ce cela qu’attendait Julie Mikhaïlovna ? La moitié des marchands même restèrent chez eux. Du côté des hommes, quoique le gratin tout entier brillât par son absence, la quantité, du moins, suppléait en un certain sens à la qualité, mais l’aspect de cette foule n’avait rien de rassurant. Çà et là on apercevait bien quelques officiers fort tranquilles, venus avec leurs femmes, et plusieurs pères de famille dont la condition et les manières étaient également modestes. Tous ces humbles se trouvaient au bal en quelque sorte « par nécessité », comme disait l’un d’eux. Mais, par contre, les mauvaises têtes et les gens entrés sans billets étaient en nombre plus considérable encore que le matin ; tout, à peine arrivés, se dirigeaient vers le buffet ; on aurait dit que quelqu’un leur avait assigné d’avance cet endroit comme lieu de réunion. Telle fut du moins l’impression que j’éprouvai. Prokhoritch s’était installé avec tout le matériel culinaire du club dans une vaste pièce située tout au bout d’une enfilade de chambres. Je remarquai là des gens fort débraillés,