ans la direction de Skvorechniki. En réponse aux questions qui jaillirent spontanément de nos lèvres : Y a-t-il eu entente préalable ? Qui est-ce qui était dans la voiture ? — Pierre Stépanovitch déclara qu’il ne savait rien, que sans doute cette fugue avait été concertée à l’avance entre les deux jeunes gens, mais qu’il n’avait pas aperçu Stavroguine lui-même dans la voiture où peut- être se trouvait le vieux valet de chambre, Alexis Egoritch.
— Comment dont vous-même étiez-vous là ? lui demandâmes-nous, — et comment savez-vous de science certaine qu’elle est allée à Skvorechniki ?
— Je passais en cet endroit par hasard, répondit-il, — et, en apercevant Lisa, j’ai couru vers la voiture.
Et pourtant, lui si curieux, il n’avait pas remarqué qui était dans cette voiture !
— Quant à Maurice Nikolaïévitch, acheva le narrateur, — non seulement il ne s’est pas mis à la poursuite de la jeune fille, mais il n’a même pas essayé de la retenir, et il a fait taire la maréchale de la noblesse qui s’époumonait à crier : « Elle va chez Stavroguine ! Elle va chez Stavroguine ! »
Je ne pus me contenir plus longtemps :
— C’est toi, scélérat, qui as tout organisé ! vociférai-je avec rage. — Voilà à quoi tu as employé ta matinée ! Tu as été le complice de Stavroguine, c’est toi qui étais dans la voiture et qui y a fait monter Lisa… toi, toi, toi ! Julie Mikhaïlovna, cet homme est votre ennemi, il vous perdra aussi ! Prenez garde !
Et je sortis précipitamment de la maison.
J’en suis encore à me demander aujourd’hui comment j’ai pu alors lancer une accusation si nette à la face de Pierre Stépanovitch. Mais j’avais deviné juste : on découvrit plus tard que les choses s’étaient passées à très peu près comme je l’avais dit. En premier lieu, j’avais trouvé fort louche la façon dont il s’y était pris pour entrer en matière. Une nouvelle aussi renversante, il aurait dû, ce semble, la raconter de prime abord, dès son arrivée dans la mais